La France a entamé de la pire des manières sa tournée de novembre, en s’inclinant sur la pelouse du Stade de France face à l’Afrique du Sud, meilleure nation actuelle du microcosme rugbystique (17-32). Si ce revers a forcément mis un coup d’arrêt à cette équipe, il a aussi permis de voir aux Bleus tout le chemin qu’il leur restait à parcourir pour concurrencer une nation qui écrase actuellement tout sur son passage.
Ce samedi à Bordeaux (21h10), il sera donc question de se racheter et rendre une bien meilleure copie que la pâle prestation de ce triste soir de Saint-Denis. Sur le papier, les Fidji, qui se présenteront à Bordeaux avec leur pléiade de joueurs made in Top 14, sont un adversaire abordable. Mais on a bien dit sur le papier, parce que cette équipe, aussi imprévisible qu’irrégulière, est toujours extrêmement difficile à cerner, capable d’envolées lyriques somptueuses comme d’errements grotesques.
Des joueurs d’exception
Avant toute chose, inutile de dire que la sélection fidjienne, neuvième au classement World Rugby, compte dans ses rangs des joueurs de classe mondiale. Et c’est un doux euphémisme. Nous ne grossissons pas le trait en affirmant que ce petit archipel d’à peine plus de 900 000 âmes a fourni à ce jeu les plus grands techniciens de la planète. Et c’est encore le cas aujourd’hui. De par leurs qualités physiques ou techniques, les Fidjiens restent des magiciens de ce jeu, redoutables à sept mais qui ont toujours eu du mal à se structurer à XV.
Il suffit d’épier leur ligne de trois-quarts pour se rendre compte de l’incroyable vivier que possèdent les joueurs du Pacifique. Derrière, on remarque pléthore de stars de notre Top 14, des Tuisova, en passant par les Habosi, Rayasi, Wainiqolo, Ravutaumada ou Maqala, peut être le meilleur centre de la planète ovale l’an passé.
S’ils sont connus pour leurs arrières de feu, devant, les Flying Fijians ont également du répondant. Le talonneur Ikanivere, auteur d’un doublé en Angleterre ou la troisième ligne dans le sillage de Viliame Mata, ont fait trembler les 82 000 spectateurs de Twickenham.
En Angleterre, des regrets
Le souci ? C’est que cette équipe des Fidji, comme écrit précédemment, est difficile à cerner. Une sélection qui se regroupe avec parcimonie, qui n’a pas le vécu commun des grandes nations, avec des performances à géométrie variable. Vainqueurs aisément de la Pacific Nations Cup, les coéquipiers de Kuruvoli ont failli faire tomber l’Australie sur ses terres au début de l’été (21-18). Puis ce samedi, ils ont chuté à Twickenham (38-18), sur la pelouse d’une Angleterre de plus en plus séduisante et qui monte en puissance depuis la prise de pouvoir de Steve Borthwick.
Et ce match a résumé toute la paradoxalité des Fidjiens. Autrefois défaillants en conquête, les Îliens sont désormais forts en mêlée et sereins en touche. Si par le passé, Ben Volavola pouvait parfois être considéré comme le talon d’Achille de la ligne arrière, Caleb Muntz l’a brillamment suppléé et le jeune Isaiah Armstrong-Ravula peut parfaitement assurer l’intérim en cas de pépin.
Problème ? Muntz peut parfois manquer d’efficacité au pied. Le joueur de Provence Rugby, merveilleux attaquant et distributeur est juste parfois sur la longueur de jeu au pied. Contre le XV de la Rose, il n’a pas su faire souffler son équipe, qui a de ce fait, subi les nombreux assauts anglais. Face aux perches, le joueur de 26 ans a affiché des limites, manquant les trois transformations, qui n’ont jamais permis aux Fidji de prendre le large lorsqu’ils menaient au score. Frustrant, tant le joyau d’Aix-en-Provence inspiré gonfle en main, et auteur d’un essai, a fait briller ses partenaires, qui nous ont régalé de relances folles dont ils ont le secret.
Autre souci ? Cette indiscipline, presque devenue “culturelle” mais symbole de ces maux et cette irrégularité qui fait défaut à haut niveau. On pense à ce carton jaune adressé à Selestino Ravutaumada, percutant en l’air Feyi-Waboso ou à cette autre expulsion temporaire de 10 minutes reçue par Josua Tuisova pour accumulation de fautes. Forcément à un tel niveau d’exigence, passer 20 minutes en infériorité numérique s’avère rédhibitoire.
Pourtant, ne vous fiez pas au score (38-18). Longtemps, les Fidjiens malgré leurs lacunes, ont tenu tête et fait trembler des Anglais fringants. Du jeu à outrance, des bases retrouvées. Ils auraient même pu recoller à un point, sur cette sublime action conclue par Simione Kuruvoli au pied des poteaux (63e). Mais le demi de mêlée des Fijian Drua s’est rendu coupable d’un léger en-avant au moment d’aplatir. Le tournant du match.
Un adversaire à prendre au sérieux
Il sera donc question de prendre très au sérieux un adversaire récent quart de finaliste de la Coupe du Monde 2023. Les joueurs fidjiens ne se retrouvent que rarement mais ont tout de même su structurer leur jeu. Si ce système comporte encore des failles, leurs qualités intrinsèques et leur appétence pour l’attaque à tout va en font des dangers permanents.
Et la jurisprudence 2018, quand la bande à Semi Radradra était venue s’imposer au Stade de France (14-18) doit servir d’exemple. Une chose est sûre. Le Stade Atlantique de Bordeaux va s’enflammer devant le jeu tout terrain de ses hôtes. Aux Français de répondre présent.
Biberonné au rugby, tombé malade de ce sport lors de la Coupe du Monde 2003, alors que je savais à peine marcher, je suis le seul sudiste ayant renié le Stade Toulousain pour l’autre Stade… Français. Condamné à souffrir avec mon club de cœur, j’espère vous transmettre mon amour pour la balle ovale à travers XV Ovalie !

