R360 : poker à haute mise entre la FFR, World Rugby et les joueurs du Top 14

Written on 01/10/2025

Le projet R360, cette ligue privée qui rêve de révolutionner le rugby mondial sur le modèle de la Formule 1, entre dans une phase de tension. Florian Grill durcit le ton, World Rugby garde un œil méfiant, plusieurs stars auraient signé des pré-accords, et les clubs du Top 14 commencent à s’agacer. Un bras de fer s’installe, avec l’avenir du rugby professionnel dans la balance.

En bref

  • R360 veut lancer une ligue fermée mondiale dès 2026 : des franchises itinérantes, peu de matchs, mais avec les meilleurs joueurs du monde sous contrat exclusif.
  • La FFR et la LNR s’opposent frontalement : Florian Grill et plusieurs présidents de clubs, comme Laurent Marti, dénoncent un projet dangereux et affirment que les joueurs engagés seraient exclus des sélections.
  • Plus de 160 précontrats auraient été signés : selon la presse anglaise, R360 avance discrètement, avec des cibles en fin de contrat, notamment en Top 14 et en NRL.
  • Un calendrier en conflit direct : malgré ses promesses, le projet empiète sur les compétitions internationales et les phases finales des championnats nationaux.

Le plan R360 : stars, draft et stades XXL

Derrière ce projet : Mike Tindall, champion du monde 2003 avec l’Angleterre, Stuart Hooper, ex-directeur du club de Bath, et Mark Spoors, patron de l’agence Wasserman. Leur ambition : créer la version “premium” du rugby mondial, pensée pour séduire une nouvelle génération de fans.

R360 veut regrouper le top 300 des joueurs et joueuses mondiaux dans 8 franchises masculines (10 à terme) et 4 franchises féminines, qui s’affronteraient dans un championnat itinérant, à la manière de la F1 : Camp Nou, Parc des Princes, Los Angeles, Tokyo, Dubaï, New York, São Paulo, Munich, Buenos Aires, etc.

Le format : 16 à 20 matchs par saison, répartis sur deux fenêtres annuelles (avril-juin puis août-septembre). Les joueurs seraient recrutés via une draft mondiale, conserveraient 100 % de leurs droits d’image et ne seraient pas liés géographiquement à la ville de leur franchise.

Un investisseur unique… et une vraie opacité

Le seul financeur officiellement cité est le fonds d’investissement 885 Capital, basé aux Émirats arabes unis. Selon les documents internes obtenus par L’Équipe, chaque franchise masculine serait vendue 30 millions d’euros, contre 10 millions pour une franchise féminine.

Les promoteurs promettent des salaires entre 500 000 et 1,5 million d’euros par saison, largement au-dessus de la moyenne actuelle dans les clubs. Le projet table sur une première phase test dès octobre 2026, avant une première saison complète en 2027.

Le Top 14, première cible des recruteurs

Le rugby français est la priorité absolue de R360. D’après plusieurs sources, au moins quatre joueurs du RC Toulon ont été approchés, dont Baptiste Serin et Ben White. Le projet vise principalement les joueurs en fin de contrat, ou ceux déjà tentés par un exil au Japon.

Sur les plaquettes commerciales, on retrouve l’image d’Antoine Dupont, parfois avec le maillot des Bleus, parfois avec celui du Stade Toulousain. Son agent a démenti tout lien avec le projet. Autres noms cités dans les visuels : Jack Willis, Siya Kolisi, Maro Itoje, Finn Russell. Mais là encore, aucun n’a officialisé son implication.

Selon la presse anglaise, plus de 160 précontrats auraient été signés. Il ne s’agirait pas de contrats fermes avec des franchises, mais de déclarations d’intérêt avec l’organisation centrale. La majorité des signataires seraient internationaux récents, dont une dizaine d’Anglais.

La Fédération sort les crocs

Face à ce projet jugé déstabilisateur, la FFR a durci sa ligne. Interrogé par L’Équipe, Florian Grill a annoncé que la France ne sélectionnerait pas les joueurs ou joueuses qui s’engageraient dans R360 :

« Ce projet ne correspond pas à notre vision de l’esprit rugby, fondé sur le partage, la solidarité et l’ancrage territorial. »

Il ajoute :

« On se donnera la possibilité de ne pas sélectionner une joueuse ou un joueur qui rejoindrait ce projet. »

La Ligue Nationale de Rugby (LNR) partage cette inquiétude. Son président, Yann Roubert, qualifie R360 d’“aberration potentiellement mortifère”. Les clubs, eux aussi, commencent à sortir du bois. Le président de l’UBB Laurent Marti parle de :

« Vision opposée à la nôtre. Ces gens veulent faire de l’argent sur le dos d’un sport, des clubs, des joueurs et des bénévoles. »

Même son de cloche du côté du RC Toulon. Bernard Lemaître affirme que certains de ses joueurs ont reçu des offres concrètes, et que le projet génère une vraie instabilité en interne.

World Rugby ne tranche pas, mais s’inquiète

Le dossier de R360 a bien été présenté au Conseil de World Rugby en septembre dernier. Les porteurs ont toutefois demandé un report du vote, le temps de finaliser leur business plan. Le sujet devrait revenir en juin 2026.

Alan Gilpin, directeur général de l’instance mondiale, a réagi avec prudence :

« Oui, le rugby a besoin de nouveaux investissements. Mais doit-on pour autant tout bouleverser ? »

Il prévient tout de même que les joueurs « voteront avec leurs pieds » — en d’autres termes, ils choisiront entre contrat privé et sélection nationale. Et la création de la Coupe du monde des clubs (dès 2028) ajoute un conflit supplémentaire de calendrier avec R360.

Les syndicats et les risques pour les joueurs

Provale, par la voix de son président Malik Hamadache, appelle à une extrême prudence. Le syndicat a listé tous les risques à évaluer :

  • Quelle sécurité en cas de blessure ?
  • Quel suivi médical ?
  • Qui assure la carrière si le projet échoue ?
  • Quelles garanties contractuelles ?

Les promoteurs vantent un calendrier “léger” et une liberté totale. Mais selon un agent cité par L’Équipe, le top 300 est une illusion :

« Ils auront quelques noms, quelques stars en fin de contrat, mais aussi beaucoup de deuxièmes ou troisièmes couteaux. »

Le bras de fer ne fait que commencer

R360 promet un rugby spectacle, mobile, mondialisé, libéré des contraintes fédérales. En face, les institutions défendent une vision ancrée, collective, fondée sur les territoires et les sélections nationales. Chacun campe sur ses positions.

Le Top 14, par la richesse de ses clubs et la densité de ses stars, est au cœur de ce choc de modèles. D’ici juin 2026, date possible du vote à World Rugby, les lignes pourraient encore bouger. Mais une chose est sûre : le rugby est entré dans une zone de turbulences, et R360 n’est plus une rumeur. C’est désormais un pari mondial qui s’organise, en espérant ne pas finir comme la Super League du football ou le World 12s du rugby à douze.

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J’ai grandi dans une famille où le rugby était de tous les moments. J’étais au bord du terrain quand Castres a battu Pau et a rejoint l’élite, j’étais dans le Stade Pierre Antoine face à Gary Whetton quand il a fait son Haka pour célébrer le Brennus de 1993 et j’ai toujours été bercé des légendes de ce sport. Maintenant, c’est avec XV Ovalie que j’entends prolonger l’aventure. #TeamCO