On ne cesse de se répéter, on vous l’accorde. On vous l’accorde aussi, nous avons déjà consacré plusieurs lignes à vanter ses mérites, conter ses exploits, s’émerveiller devant un tel talent. Dans la lignée des ouvreurs fantasques, des Carlos Spencer en passant par les Quade Cooper, Danny Cipriani ou Finn Russell, Sacha Feinberg-Mngomezulu s’inscrit sûrement dans cette caste-là, celle des numéros dix géniaux pour qui le rugby reste un jeu, capables de gestes qui vous font frissonner, lever de votre siège.
Mais à l’instar d’un Russell qui a su trouver un équilibre sur le tard, le joyau sud-africain n’est pas juste un joueur frisson. Il sait être régulier, se montrer fiable au pied, faire gagner son équipe et s’avérer décisif dans les matchs couperets. Une sorte de mélange parfait entre la raison et la folie, la glace et le feu.
Le Stade de France va faire la connaissance du prodige du Cap
Pour ne rien vous cacher, ce samedi soir sur la pelouse d’un Stade de France incandescent, on aurait rêvé d’une confrontation entre le prodige des Stormers et Matthieu Jalibert, dans un duel du “tout pour l’attaque” entre sûrement deux des demis d’ouvertures les plus enthousiasmants du circuit et surtout parmi les trois meilleurs joueurs au monde à leur position. Mais le Girondin, en plus d’être blessé, ne pourra semble-t-il jamais déloger Romain Ntamack du poste en Bleu, joueur charnière du système Galthié depuis bientôt six ans.
Le Toulousain aura donc fort à faire face au gamin de Cape Town qui marche sur l’eau. S’il n’est pas forcément encore très connu sur le Vieux Continent, Mngomezulu fera parler de lui dans le microcosme de la balle ovale dans les prochains moins, et pas pour son nom à vous faire gagner une partie de Scrabble mais bien pour ses qualités gonfle en main.
Si l’on excepte les blessures qui ont pu le freiner dans sa progression et sûrement seul point faible du joueur de 23 ans actuellement, ce dernier a tout pour lui. Dans une Afrique du Sud parfois soporifique qui s’est longtemps appuyée sur un jeu d’avant et une charnière De Klerk-Pollard gestionnaire, Mngomezulu lui, cornaque une ligne d’attaque désormais portée sur l’offensive. Si les Springboks ne se sont jamais reniés et basent leur succès sur un monstre à huit pattes effrayant, broyant ses adversaires, ils n’hésitent pas à faire feu de tout bois derrière avec des joueurs dotés de grands atouts offensifs.
Au milieu des Willemse, Moodie ou Kolbe, Mngomezulu, capable aussi de jouer 12, en fait partie et ses dernières prestations parlent pour lui.
Encore un doublé contre le Japon
Pas titulaire lors du début du Rugby Championship, puis blessé en début de match face aux Blacks, il a mis tout le monde d’accord lors du large succès contre l’Argentine (67-30), le 27 septembre dernier. Ce jour là, sur la pelouse de Durban, il a inscrit la bagatelle de 37 points, faisant de lui le joueur sud-africain ayant marqué le plus de points lors d’un match international devant un certain Percy Montgomery !
Une prouesse remarquable tant Sacha a éclaboussé la partie de sa classe. Et toute la panoplie y est passée. Un triplé notamment sur un jeu au pied pour lui même au cours duquel il prend le temps de demander à Canan Moodie de stopper sa course, des jeux au pied de génie comme cette transversale pour Kolbe, des crochets déroutants, des courses imprévisibles, une animation parfaite, des gestes venus d’ailleurs et une relative fiabilité face aux perches. Mais n’allez pas croire que ceci est un simple coup d’épée dans l’eau.
Encore ce samedi, lors de la large victoire des Boks face au Japon (61-7), Mngomezulu y était déjà allé de son doublé après seulement 18 minutes. Une première réalisation à la réception d’un duel aérien puis une seconde sur une initiative dont il a le secret, passant en revue la défense nippone avec une facilité déconcertante.
Aujourd’hui, sur la forme du moment, il est sûrement le meilleur ouvreur de la planète. Le débat avec Jalibert existe mais le Springbok réalise également de telles prouesses en équipe nationale quand Jalibert est boycotté par Galthié. Alors nous avons assez fait l’éloge d’un diamant brut, une denrée rare dans un rugby parfois aseptisé. Aux Bleus désormais de le rendre muet ce samedi soir et de “retarder” son ascension (21h05). Parce que d’ici quelques mois, le nom de Sacha Feinberg-Mngomezulu, retentira sûrement plus que jamais sur les hauteurs du rugby mondial.
Biberonné au rugby, tombé malade de ce sport lors de la Coupe du Monde 2003, alors que je savais à peine marcher, je suis le seul sudiste ayant renié le Stade Toulousain pour l’autre Stade… Français. Condamné à souffrir avec mon club de cœur, j’espère vous transmettre mon amour pour la balle ovale à travers XV Ovalie !